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La cloche de Lavilledieu

    Les églises en Europe semblent commencer à utiliser les cloches à une plus grande échelle vers le VI° siècle, en effet ce sont les moines irlandais et Anglo-Saxons qui évangélisent l'Europe continentale et utilisent cet instrument pour rassembler la population lors des prêches. 

   Notre cloche de Lavilledieu en tout point archaïque relève de ces premières fabrications réalisées par pliage et martelage. On dénombre de nombreuses petites cloches à main en Bretagne datées du VI° au X° siècle, peuvent être mentionnées des cloches à Goulven dans le Finistère, à l'église Saint Ronan de Lacronan, à l'église Saint Mariadec à Stival de Pontivy dans le Morbihan, à la cathédrale de Saint-Paul-Aurélien de Saint-Pol-de Léon dans le Finistère... Ces petites cloches ne sont en rien comparables à celle de Lavilledieu et leur méthode de pliage est limitée en taille et en épaisseur. ces cloches à main avaient pour tradition l'imposition de l'objet sur la tête des fidèles, ils étaient ainsi préservés ou guéris de maux de tête et de surdité. dans les statuts de Mgr. de Rieux en 1629-1630, il exhorte les chanoines à refuser l'imposition de la cloche et ne la tolérer que son occultation. ces pratiques disparues, on se contente de faire sonner la cloche au dessus des fidèles agenouillés. 

la cloche d'imposition dite miraculeuse de Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère, d'une hauteur de 19 cm, elle est datée du VI° siècle

la cloche d'imposition dite miraculeuse de Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère, d'une hauteur de 19 cm, elle est datée du VI° siècle

   Ici, à Lavilledieu, nous sommes en présence d'une cloche de plus grande taille : 45 cm de hauteur pour un diamètre de 35 cm. Cette cloche avec ces caractéristiques est l'une des deux seules connues en France avec celle du Tech à l'ermitage de Saint-Guilhem de Combret dans les Pyrénées-Orientales qui est plus petite que celle de Lavilledieu. Sont répertoriées quelques rares exemplaires aussi anciens dont une à Cologne et deux autres en France. Peut-être cité la cloche de Sainte Godeberte à Noyon dans l'Oise datée du VII° siècle avec une hauteur de 33 cm et une structure totalement différente de celle de Lavilledieu puis la cloche de Saint Grat dans la commune de Valhourdes en Aveyron mesurant 35 cm de hauteur et également datée du VII° siècle, par contre celle-ci avait la fonction de cloche d'imposition. 

La cloche de saint Godebert à Noyon et celle de saint Grat en Aveyron
La cloche de saint Godebert à Noyon et celle de saint Grat en Aveyron

La cloche de saint Godebert à Noyon et celle de saint Grat en Aveyron

   La cloche de saint gadebert à Noyon dans le département de l'Oise est datée du VII° siècle, on constate tout de suite que le montage est différent de la cloche de Lavilledieu, ici, nous sommes plus sur un pliage et non sur un assemblage. 

   La cloche de Saint Graf dans la commune de Valhourdes en Aveyron datée du VII° siècle également, est une cloche d'imposition. Elle est aussi appelé "casque de Saint Grat". On lui prêtait le pouvoir de guérir les maux de tête, la dépression et la folie en la posant sur la tête des malades. 

   En comparant ces cloches avec notre cloche de Lavilledieu, il est facile de constater qu'elle ne correspond en rien, ni par sa taille, sa forme et sa fonction à celles décrites et en aucun cas, elle aurait servi de cloche d'imposition, son volume étant trop important pour être déposée sur la tête des fidèles. 

   Sa construction unique est constituée de deux feuilles de fer battu dont les côtés forme une crête de 2cm de saillie. Sur le haut, on y remarque trois trous arrondis, probablement pour y suspendre un battant. L'usure interne de la cloche prouve son utilisation en tant que cloche. 

   On sait que la fabrication de cloches en fer est un procédé qui a disparu assez tôt dans le moyen-âge, il s'agit d'un travail de forgeron. On trouve une autre cloche en fer dite " la plus vieille de France" malgré une datation du XIII° siècle dans la commune de Saint-pierre de Belleville en Savoie. Avec des mesures assez proches : 40 cm de hauteur et 34 cm de diamètre mais on peut y rapporter aucune similitudes avec la cloche de Lavilledieu, nous sommes déjà en présence d'un travail de fonderie. 

la cloche en fer de Saint-Pierre de Belleville datée du XIII° siècle.

la cloche en fer de Saint-Pierre de Belleville datée du XIII° siècle.

Géographiquement plus proche de nous, nous pouvons mentionner la cloche miraculeuse de Rocamadour. Cette cloche primitive serait antérieure au IX° siècle. Il s'agit là aussi d'une cloche en fer forgé de 24 cm de hauteur et 33 cm de diamètre avec une épaisseur de 1 cm. cette cloche dite "miraculeuse" est aussi mystérieuse et sonne toute seule sans l'aide de quoique se soit chaque fois qu'un marin en péril implore la vierge Marie et lui doit son Salut. 

   Nous constatons en plus de leur utilisation première que ces cloches possèdent pour la plupart de vieilles croyances et des vertus mystiques. Pour notre cloche de Lavilledieu, les anciens lui prêtaient le pouvoir d'éloigner la grêle. 

La cloche miraculeuse de Rocamadour

La cloche miraculeuse de Rocamadour

   On peut signaler une cloche similaire à celle de Lavilledieu avec des bases d'élaborations semblables sur la commune du Tech à l'ermitage de Saint-Guilhem de Combret dans les Pyrénées-Orientales. ce sont les deux seules cloches connues en France avec ce type de montage. Par contre celle du Tech est datée du XI° ou XII° siècle ce qui nous fait une grosse différence avec celle de Lavilledieu, il faudrait étudier de plus prêt ces deux cloches.

cloche du Tech, ermitage de Saint-Guilhem de Combret.

cloche du Tech, ermitage de Saint-Guilhem de Combret.

   La fabrication des cloches durant le haut moyen-âge est une spécialité de moines que l'on nomme moines sainctiers ou saincthiers, ils développent le savoir faire de la fonte des cloches permettant ainsi des fabrications de plus grandes tailles. Il détiennent ce monopole jusqu'au VIII° siècle, période qui voit l'essor des maîtres sainctiers, fondeurs itinérants et laïcs capables de réaliser de très grandes cloches. Cette nouvelles catégorie de fondeurs de cloches favorisera la diffusion de celles-ci ainsi que leur usage dans les églises paroissiales. Cette pratique durera jusqu'au XVII° siècle date à laquelle les fondeurs s'installent et créent des fonderies. 

   En 817, le concile d'Aix-la-Chapelle règlemente le nombre de cloches des églises en fonction de leur taille et de leur importance ainsi une église paroissiale a droit à 2 cloches, les couvents à 3 et les cathédrales à 6.

   Aujourd'hui encore, il est compliqué de donner avec certitude une date pour la cloche de Lavilledieu, le manque de références et d'objets similaires fut de cette cloche une pièce quasiment unique en son genre. déjà au XIX° siècle, elle interpela, Mr. de Gourgues qui en fit un rapport au comité des travaux historiques en 1869. La plupart des spécialistes la situe entre l'époque Mérovingienne et Carolingienne soit une fourchette entre le VI° et le X° siècle. 

Croquis du XIX° siècle assimilant la cloche de Lavilledieu à un casque Gaulois.

Croquis du XIX° siècle assimilant la cloche de Lavilledieu à un casque Gaulois.

   L'une de ses caractéristiques est sa forme dite de "casque" qui lui value longtemps l'assimilation à tort d'un casque de mineur Gaulois. Il est facile de constater par soi même que le volume de la cloche ne peut en rien figurer un casque. cette théorie à malgré tout eu ses détracteurs au cours du XIX° siècle dont le croquis ci-dessus qui représente cette fameuse cloche en casque Gaulois est extrait de l'ouvrage de Victor Grand " les annales du Terrassonnais" en 1889. 

   Maintenant, qu'elle est l'origine de cette cloche ? l'histoire locale voudrait qu'elle provienne du vieux repère situé à Muratel en aplomb du ruisseau de l'Elle et de la Rebeyrolle sur la route menant à Villac. Suite à l'assaut du château, cette cloche aurait dévalée les pentes abruptes pour se trouver dans le ruisseau de la Rebeyrolle, mais nous n'avons aucune traces de cette découverte. 

   Le mythe de Muratel se transmet depuis des générations dans nos campagnes, il en existe de nombreuses versions dont celle du poète Terrassonnais Pierre Margontier ( 1791-1875) mais aussi de Pierre Miremont ( 1901-1979) poète Périgourdin. Cette légende nous ramène au temps des preux chevaliers ou l'ignoble Jean de Muratel, seigneur du château du même nom enlève Berthe de Gaubert qui sera sauvée par son fiancé, le chevalier sans peur. 

la légende de Muratel mise en chanson.

la légende de Muratel mise en chanson.

   En dehors de ces légendes populaires, on sait que Saint-Sour possédait un domaine à Lavilledieu et que le monastère de Terrasson y possédait des dépendances. La présence du nom de Saint-Sour nous amène à la fondation du Xénodochium ( établissement hospitalier dans l'église primitive) de Terrasson au cours du VI° siècle et pourrait nous laisser guider vers une date assez proche de la cloche de Lavilledieu. 

   En 1165, on sait que l'église de Sainte-Marie de Lavilledieu faisait partie des dépendances du monastère de Terrasson et qu'il existait encore un établissement appartenant à celui-ci en 1321. 

   Il est donc probable que cette cloche ait toujours été présente au sein de l'église de Lavilledieu et cela depuis le haut moyen-âge faisant certainement de celle-ci, si ce n'est la plus vieille, l'une des plus ancienne cloche existante en France et en Europe. 

La cloche en l'église sainte-Marie de Lavilledieu

La cloche en l'église sainte-Marie de Lavilledieu

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